Dogen Gyoji – Sur la question des os du saint et du démon

GYOJI SHOBOGENZO BODHIDHARMA – Le démon bat ses os. Le saint bat ses os et les vénère

Dogen dit que « le démon bat ses os, le saint bat ses os et les vénère ».

Qu’est-ce qui est le mieux, le saint ou le démon ? Pourquoi le saint vénère-t-il ses os.

Annotation de Reijo YB. Cette phrase figure dans le chapitre "Gyoji, Shobogenzo, Dogen". Dans le paragraphe mentionné, Dogen commente au sujet de Bodhidharma et d'un poème de Taiyo Kyogen*, il y est question de "ce qu'est la vie et la mort". Dans l'enseignement, il est dit qu'il faut savoir "abandonner son corps et sa vie phénoménale - shinjin datsu raku ou Corps et esprit abandonnés, jetés en bas. L'éveil de Dogen s'est produit à l'entente de cette phrase prononcée par son maître Nyojo. Dogen a répondu à son tour "datsu raku shinjin" - jeter en bas corps et esprit, signifiant que cette action doit être répétée et répétée encore.

Enregistrement Audio MP3: Shobogenzo, Gyoji, Bodhidharma. Le saint et le démon battent leurs os de la vie précédente.

* Article à publier sur l’éveil de Taiyo Kyogen lors de la recherche des os de son maître.

 

Premier Mondo : Faut-il vénérer ses os des vies précédentes ? Le saint et le démon. Extrait du livre Shobogenzo, Gyoji, Dogen


Question : J’ai une question sur un commentaire ambiguë de Dogen à propos de Bodhidharma, dans le Shobogenzo. Dans ce chapitre du Shobogenzo*, Dogen dit que « le démon bat ses os, le saint bat ses os et les vénère ».

La personne continue …

– Le commentaire de Dogen à ce propos est : « Il ne faut pas regretter[1]son corps et son esprit. »

Ma question est : « Qui est-ce qui est le pire ? Le démon ou le saint ?

Deshimaru : Le saint bien sûr, le saint est mieux, il admire – ses os ! Pourquoi le saint est-il un saint et que le démon est un démon ? C’est le karma, c’est une métaphore. Cela concerne le karma, ce n’est pas la vérité [6]!

Q : Pourquoi l’homme saint se vénère lui-même ?

Deshimaru : Il ne le sait pas. Il ignore qu’il s’agit de ses propres os. Le saint respecte la valeur de l’os – qui est précieux en lui-même, la vie est précieuse en elle même[2]. Inconsciemment. Il en est de même du démon. Ils ont tous deux changé de vie. Mais le démon, inconsciemment, même son propre corps, il le hait et le bat. S’il le savait … que ce sont ses propres os … il ne battrait pas. Le saint ignore aussi qu’il s’agit de ses propres os. S’il le savait il ne vénérerait pas mais inconsciemment, il vénère ce corps qui lui a permis de réaliser le dharma, il bat aussi son corps karmique … [7]

Mais il faudra commenter …

Deshimaru continue :

… Même PhC n’a pas compris. Ici, beaucoup de personnes ne l’ont pas compris. Vous avez compris maintenant ?

Inconsciemment, l’os n’a pas de valeurs. C’est le démon, il bat tout le temps. Inversement, le saint, l’homme céleste adore, toujours, il adore, il adore, il adore … S’il savait que ce sont ses propres os – son propre corps -, il ne l’adorerait pas mais le fait est qu’il ignore ! Il ignore mais Inconsciemment, automatiquement, naturellement, quand le saint voit l’os, il l’illumine alors il l’adore. Quand au démon, il bat, inconsciemment. Il bat et c’est exactement à ce moment là que le karma arrive[6]. Vous comprenez ?

Question : Mais Dogen dit que « les cheveux blancs ne parlent pas, [3]… » !

TD : Pourquoi ne comprenez-vous pas ?

Question PhC : Pour moi, même un idiot sait qu’un jour il va mourir.

Deshimaru : Tous le savent intellectuellement. Mais si on doit en faire l’expérience, disons entre vous et moi, nous pensons que les autres – les plus âgés – meurent avant … La plupart des gens pensent ainsi. Pourquoi Xiangyan (jap. Taiyo Kyogen) [4] dit-il cela : « Après que les cheveux aient blanchi, vient la mort. »

Tous savent intellectuellement – qu’ils vont mourir. Mais si on doit faire l’expérience, …

Alors ils se disent … Après que les cheveux blanchissent. Ah, j’ai encore 10 ans ! Tout le monde pense cela … 50,60,70 … Il me reste à vivre encore, encore, encore … jusque là …

Mais des fois 20, 30 ans, il y a des gens qui meurent en avion … Pas seulement par accident, il y aussi les maladies. Alors, ne dites pas cela !

Deshimaru poursuit:

.. Pour la mort, il n’y a pas de rang.

Parfois le fils meurt avant les parents. Parfois à 30, 40 ans …Parfois les enfants meurent avant les parents ! La moitié de mes amis sont morts

Bodhidharma est mort à 150 ans, Eka à 105 ans, Dogen, 50 ans.

Pour la mort, il n’y a pas de rang il n’y a pas d’ordre.

C’est pourquoi il ne faut pas dire cela … quand les cheveux blanchiront – nous avons le temps avant de mourir !

Deuxième question: Qu’est-ce qui a de l’importance dans la vie ? Deshimaru développe sur le même sujet, à propos du corps-esprit phénoménal

Troisième question: Le combat du dharma.

[1] Dans le texte traduit en anglais par Kazuaki Tanahashi, la traduction du commentaire de Dogen serait plutôt : « Il ne faut pas regarder en arrière vers le corps passé. » Le poème cité est celui de Xiangyan (jap. Taiyo Kyogen, Zen Tchan), litt. « Des centaines d’affaires, des milliers de définitions, – en finalité – votre corps est voué à la poussière, ne dites pas que – seul – les cheveux blancs ne parlent pas, c’est un message des printemps jaunes – du royaume des morts. » Ed. Kazauaki Tanahashi, Treasury of the Dharma Eye. Note: Une référence à l’histoire de Taiyo Kyogen, patriarche du zen Tchan, et de son éveil.

[2] Annotation de Reijo YB. Dogen poursuivra dans ce sens - Il faut savoir pratiquer l'abandon de toutes ses vies phénoménales et ne pas les regretter, si l'abandon n'est pas réalisé dans les faits - dharma et karma se mêlent. Le saint est saint car il a pu utiliser son corps pour la voie - sainte - mais il ne doit pas en faire cas non plus (sens de la question posée). De toute façon, qu'il soit inconscient ou conscient de son action sainte, le saint est mieux (réponse de Taisen Deshimaru). Bien sûr, s'il n'était pas conscient de son action méritoire, c'est mieux. Maître Deshimaru enseignait ceci à travers la phrase : "Inconsciemment, Automatiquement, Naturellement." Il traduisait l'enseignement bouddhisme du "Sans intention personnelle, Sans effort." Bodhidharma disait : "Là où il y a des efforts, il n'y a pas la Voie."

[3] Allusion au poème de Taiyo Kyogen cité dans le chapitre Shobogenzo. Voir note [1] . Ne dites pas que « les cheveux blancs ne parlent pas, c’est un message du royaume des morts. Voici l’histoire de Taiyo Kyogen : « Kyogen accompagna son maître lors d’un enterrement. Il frappa alors le cercueil et questionna – Ce qui est à l’intérieur, c’est vivant ou mort ? Le maître répondit : « Je ne sais pas vous le dire. Je ne sais pas si c’est vivant ou mort » ! Kyogen insista sans succès puis quitta le maître. Des années après, il fut saisi et fit gasshô – salutations respectueuses – en direction de son maître, le remerciant de ne pas lui avoir délivré de message affirmatif au sujet de la mort et de la vie. Kyogen partit quand même à la recherche de ses os, espérant un message – du royaume des morts – où devrait se trouver son maître maintenant. Seulement, il ne put trouver d’os, il n’y a donc nulle trace pouvant affirmer de sa mort. Son maître, même décédé, ne lui dit pas qu’il est mort. » Ce poème fut composé par Taiyo Kyogen.

[4] Dogen cite Xiangyan (jap. Taiyo Kyogen) et son poème.

[5] Le crâne, les os des moines valent plus cher. Ils deviennent des reliques. Après l’incinération, des diamants peuvent apparaître – c’est un processus normal qui dépend de la température et de la longueur de l’incinération, du point de vue scientifique.

[6] La vie phénoménale, karmique a une existence, mais non véritable, authentique, elle est glissante, impermanence, sujet à naissances et morts. M. Deshimaru parle d’existence sans noumène. Le dharma est immanent, sans commencement, sans fin, c’est la vérité permanente. Mais karma et dharma se mêlent dans les mêmes corps.

[7] Allusion au corps du dharma du saint et à la préciosité de la forme humaine. Naître humain est avoir la possibilité de réaliser son corps du dharma.